Dans l'ombre des grands bois naquit le jeune faon

Dans l'ombre des grands bois naquit le jeune faon,
Fragile étincelant, éclat de l'horizon.
Il buvait à la source la sève des mystères,
Ignorant que la vie le livrerait aux guerres.
Adolescent léger, bondissant dans les vents,
Il rêvait d'infini, de pouvoir éclatant.
Ainsi l'homme s'élance au rivage des songes,
Et croit bâtir un monde sur l'écume des ondes.
Vint l'âge du grand cerf, souverain des forêts,
Ses bois dressés au ciel défiaient les secrets.
Il régnait sur la lande, il guidait les clairières,
Comme l'homme en sa gloire croit dominer la terre.
Mais l'orgueil, noir chasseur, brandit ses chiens ardents,
La vanité rugit au détour des torrents.
Les flèches de la gloire percèrent sa poitrine,
Et le noble géant s'effondra dans l'épine.
La forêt s'assombrit, les pierres frissonnèrent,
La terre recueillit son sang sur la bruyère.
Et son âme s'enfuit vers les plaines d'ailleurs,
Où Lugus l'attendait, couronné de splendeur.
« Tu n'es point condamné », dit le dieu radieux,
« Ton trépas n'est qu'un seuil vers l'éclat des cieux.
De l'ombre de ta chute jaillira la lumière,
Tu renaîtras plus sage aux portes des clairières. »
Alors le Cerf blanc s'éveilla, flamboyant,
Portant dans ses regards la mémoire du temps.
Il revint des ténèbres, guide des incarnés,
Messager des Dieux clairs aux peuples éveillés.
Car l'homme, en ses destins, rejoue ce long chemin :
Naissance et innocence, orgueil puis déclin,
Mort, passage voilé, et retour éclatant…
Ainsi vit dans nos âmes l'éternel Cerf blanc.
« Le cycle du Cerf Blanc » de /I\ Gwengarv (Uindocaruos)