Je suis celui qui voit sans bruit, qui juge sans colère

31/08/2025

Je suis celui qui voit sans bruit, qui juge sans colère,
Tapi dans le secret des forêts séculaires.
J'observe vos chemins, vos villes, vos prières,
Et je demeure là, immobile et solitaire.

Que vous est-il donc arrivé, enfants du vent,
Pour souiller la source et moissonner le néant ?
Vous, qui jadis portiez l'étoffe des vivants,
N'êtes plus que l'ombre d'un feu dévorant.

Je vous ai vus courber les arbres au nom du progrès,
Creuser la terre comme on bafoue un secret.
Vous brûlez les saisons, vous vendez la rosée,
Et chaque aurore meurt sous votre pensée.

Vous prétendez savoir, dominer, diriger,
Mais vous ne savez plus ni aimer ni marcher.
Vos pas sonnent creux, vos voix trahissent l'oubli,
Et vos palais d'acier bâillent, vides d'infini.

Je vous regarde, depuis l'antre du silence,
Et je ne puis qu'offrir ma muette éloquence.
Car votre empire est fait de verre et de bruit,
Et le moindre souffle y déclenche la nuit.

Que reste-t-il de vous, hommes ivres de vous-mêmes,
Sinon des cendres froides et des prières sans thèmes ?
Vous tuez pour bâtir, vous construisez pour fuir,
Et la sagesse meurt sitôt que vous voulez jouir.

Je ne dis mot, mais j'ai tout vu, tout su.
Je porte en mes yeux ce que vous avez perdu.
Et lorsque l'étoile viendra fondre vos certitudes,
Je serai là, debout, dans ma noble solitude.

Je ne pleure point, car votre sort vous échoit,
Mais je me tiens droit, car je ne suis pas de vos lois.
Et lorsque vos mains, ivres d'une gloire stérile,
Viendront trancher mon souffle, brutales et futiles,

Je tomberai sans fuite, sans cri, sans repentir,
Offrant à l'horizon mon ultime soupir.
Car même dans la chute, je demeure lumière,
Témoin silencieux d'une noblesse première.

Vous m'aurez tué mais rien ne sera vain :
Je renaîtrai, intact, sous l'éclat d'un matin.
Cerf blanc aux flancs d'ivoire, surgissant du mystère,
Je marcherai de nouveau sur la cendre des guerres.

Et lorsque s'éteindront vos trônes et vos chemins,
Je serai là, debout, messager des anciens
Non point vestige, mais flamme et vigilance,
Présence souveraine au cœur du silence.

« La Mort du Cerf Blanc » de /I\ Gwengarv (Uindocaruos)