Arthur, qui es-tu ? – la Royauté celtique, découplée de l'Ours, encore qu'il soit comme elle guerrier 

03/05/2025

Arthur ! Passons sur son nom, raciné en « ours » dans les parlers celtes. Passons sur son historicité : les textes gallois en parlent assez tôt pour qu'elle soit plausible, et assez tard pour que d'aucuns en doutent 😶
Intéressons-nous à ce qu'il nous dit.
Or, ce que nous dit Arthur, sans surprise, c'est que la royauté celte est symbolisée par l'ours ?
Pas si sûr... 🫨

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APPROXIMATIONS POPULAIRES

Il est des « vérités » qui n'ont acquis leur statut de « vérités », qu'à force d'être répétées.

D'avance pardon, ou plutôt non :
Je ne demanderai pas pardon de contester les répétitions douteuses, pour faire valoir « mes » vérités – celles que je chéris, et que j'ai trouvées à part moi, mais qui ne seront plus « les miennes » du moment que je les aurai révélées 😁
Alors, je le dis sans honte :
Que l'ours symbolise la royauté ? Ce n'est digne que des montreurs d'ours !
Métier qui fit florès... durant la Féodalité où naquit la légende arthurienne 🐻

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POURQUOI JE SUIS ICONOCLASTE

Ce n'est pas pour le plaisir ☺️

1. Je suis iconoclaste, parce qu'Arthur est un cas ultime, dans la Féodalité.

2. Je suis iconoclaste, parce qu'on le soutient d'Artio, une Déesse celte helvète ; de Mercurus Artaios, Dieu celte allobroge et santon, et de Dea Artiona allobroge ; d'Andarta, Déesse celte allobroge et véliocasse : des attestations archéologiques gauloises, pas insulaires...
... or, si le féminin accorde bien la souveraineté chez les Celtes, ce féminin n'est pas ursin, mais ce féminin est équin [0].
Où, certes, Mercurus (dont on présume qu'il correspond à Lug[us] sur la base de César) n'est pas rien ; mais Artaios reste une épiclèse, un attribut, localisé ès Gaules périphériques (nous y reviendrons en bonus).

3. Je suis iconoclaste, parce que RIEN dans la littérature celte, féodale, prydainique [1] n'apparente l'ours à un Dieu...
... seul Nuada/Pwyll est chasseur – donc une menace pour les ours – mais concorderait (sur le fond) avec Cernunnos, avec la figure de Herne le Chasseur pour pivot : LE CERF, non l'ours [2] 🫎

4. Je suis iconoclaste, parce qu'il n'y a AUCUN équivalent indo-européen :
4.1. passons sous silence Lusitaniens, Illyriens, Thraces, Daces et Scythes, peu documentés ;
4.2. même les Iraniens et les Indiens post-yamna [3] documentés, ne font pas grand-chose de l'ours.
Notons néanmoins que le Ṛgveda (Rig Veda) nomme la constellation de la Grande Ours « ours » (Rsa) – mais gardons cela pour notre bonus, à la fin ;
4.3. les Hellènes archaïques – pour ainsi dire Mycéniens – dédiaient de jeunes filles à Artémis ; elles jouaient « aux ourses » (le mot est resté pour désigner les menstrues) ; cela relève de la féminité initiatique et sacrée, sur la base de l'hellène « árktos, ours » qu'on entend toujours dans « Artémis »...
... de toutes les cultures post-yamna, le culte de ces femmes hellènes se rapproche le plus de la Déesse celte Artio (ce qui tend à confirmer les travaux de Bernard Sergent, comparatiste helléno-celte).
Notons néanmoins, que la constellation de la grande ourse est une transformation par Zeus de son amante Kallisto – mais gardons cela pour notre bonus, à la fin ;

4.4. les Romains utilisent les ours comme les lions : dans l'arène gladiatrice !...
... on ne fait pas moins amateur d'ours qu'un Romain ;

4.5. les Slaves n'ont pas plus de Dieu-Ours, même si aujourd'hui Vladimir Poutine se la joue ursin...
... dans un contexte de démocratie russe, c'est-à-dire réactivant une figure populaire de puissance, à caractère tout au plus « chthonienne », avant tout paysanne...
... on évitait de prononcer son nom, et on le désignait alors par медведь : « Mangeur de Miel » (oui, ça fait très Winny l'Ourson) ;

4.6. les Danes [4] ont des berserkir, des guerriers-ours, au service de leur Odin : ça ne fait pas plus une royauté divine, que chez les Hellènes, les Romains et les Slaves !
Les Ancêtres, apparaissent certes parfois sous forme animale – dont ursine – par exemple dans la Saga d'Egill, et le nom est populaire en signe de force.

On déclare un KO technique, pour le symbolisme royal ursin celte 😬

Mais pas tout à fait : chez les Celtes prydainiques, avec la racine *art et *mat, comme chez les Danes, avec la racine *berô (plus connue sous la forme de björn) on trouve des souverains assimilés à la bête ursine.
Mais c'est que, avec eux, on se trouve dans des contrées liminales, des confins européens, au sein desquels subsistèrent des éléments pré-et péri-yamna [3] comme dans les montagnes alpines et pyrénéennes 🏔
(Nous y reviendrons en bonus, à la fin.)

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POURQUOI JE NE SUIS PAS ICONOCLASTE

Les iconocalstes, les bachibouzouks, tonnerre de Brest ! ce sont les colporteurs d'approximations populaires, avant tout féodales chrétiennes.

C'est terrible à dire, mais « l'ours », c'est pas si précisément un truc celtique, bien qu'il participe de ses mystères initiatiques féminins, et qu'à ce titre les guerriers et les rois aient tendent quand même vers lui...
... les Celtes furent probablement à ce sujet comme les Ibères, les Danes [4] et les Romains :
amateurs de loups, encore que même par là, les Celtes diffèrent (ils préfèrent le chien [5]).

À ce stade, les arctophiles (amateurs d'ours) ont les larmes aux yeux 🥳
Le symbolisme royal ursin celte a été tellement colporté !

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QUID D'ARTHUR ?

Avec ce qu'on a vu, probablement, Arthur devait être un guerrier, dont on a comparé la force à celle de l'ours.
Et c'est déjà pas mal.

Paraîtrait même, que son nom était populaire, dans l'Ancien Temps.
En nommant leur enfant ou un initié « Arthur », ses parents ou ses initiateurs escomptaient ou signalaient sa force.
Et, répétons-le, c'est déjà pas mal.
C'est un symbole guerrier ⚔️

Au contraire, n'est-il pas beau ?...
... le récit de ce guerrier qui, contre les invasions danes [4] – angles et saxonnes, – devint roi ?
N'était-il pas aussi fort que les *berôsarkiz [6] de ces sales envahisseurs anti-prydainiques [1] ?
Les Corniques, les Gallois, les Ecossais et les Irlandais en veulent toujours aux Anglais, à cause de l'Irlande du Nord et de l'Angleterre !
(Sans parler des Danes vikings, ni du Normand – c'est-à-dire du Dane toujours – Guillaume le Conquérant !)
Celtes VERSUS Dane [4].

C'est ça, la tragédie arthurienne !
(Sur le fond, plutôt bien rendue par Alexandre Astier dans « Kaamelott » [7] 😄)
(Ils me font rire, les « néo-pags » qui amalgament Celtes et Danes [8] !)

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GUENIÈVRE, VIENS-NOUS EN AIDE !

À ce stade, seule Guenièvre peut nous venir en aide !

« Guenièvre » c'est en gallois « Gwenhwyfar » et en gaélique « Fionnabhair ».
(Oui, ce sont les mêmes racines celtes, mais avec des évolutions différentes !)
Et ça signifie « la Blanche Dame, Blanche Fée » 🤍

Or, des éléments traditionnels gallois, racontent qu'Arthur eut Trois épouses, Trois Gwenhwyfar, Trois Blanches Dames/Fées.
Quant à l'Irlande, Fionnabhair – dans un récit, qui n'a rien à voir avec celui de Gwenhwyfar – est essentiellement l'épouse de Fráech :

Fráech, un Demi-Dieu, neveu de la Déesse-rivière Boann, elle-même épouse du sombre Dieu Elcmár.
Fráech est un guerrier-chasseur ressortant des Fir Domnann (« les Hommes Sombres »)...
... variété de Fir Bolg (« les Hommes Foudres »)...
... combattus par les Tuatha dé Danann (« les Tribus de Dana [9] », les Dieux celtes).

Mais rien d'étonnant au mariage de Fionnabhair :
... car la Déesse Tailtiu, mère nourricière de Lug, est elle-même épouse de Mag Mor, dernier roi des Fir Bolg.
Enfin, la mère de Fionnabhair – l'intransigeante reine Mebd, souvent comparée à Morrigan, la Déesse Triple [10] – « prostitue » quasiment sa fille, au même titre qu'elle est aussi lubrique 🙀

Voilà donc comment Guenièvre nous est venue en aide :
Elle nous permet de comprendre, que la royauté d'Arthur, reçoit certes la souveraineté « comme il se doit » dans la tradition celtique : par le féminin divin, équin.
La Blanche Dame/Fée est la Destinée Supérieure d'Arthur : une Déesse, la Triple Déesse, équine...
... qui vient « historiquement » appuyer les Celtes combattant ces Danes [4}, sales envahisseurs anti-prydainiques [1] ⚔️

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ARTHUR, QUI ES-TU ?

Arthur-« Fráech » est un guerrier-chasseur, donc.
D'où son assimilation à l'ours !
(« Fráech » signifie « bruyère ».)

Mieux encore : en tant que chasseur, il est néanmoins comparable...
... au Dieu-Roi Nuada-Cernunnos, chasseur aussi !...
(Encore que ce Dieu-Roi-Cerf deviendrait le Roi Pêcheur, dans la légende arthurienne !) [2]

« Neveu par alliance d'Elcmár », Arthur-« Fráech » est D'ABORD ET SURTOUT « neveu utérin de Boann » !
C'est-à-dire, selon le droit celtique avunculaire : son héritier légitime ! 😮

En tant que Déesse-rivière mère d'« Arthur »-Fráech, Boann communique à son fils sa puissance tellurique divine.
(On songe aux Slaves, qui font de l'ours une puissance chthonienne.)
Mais en tant que « neveu d'Elcmár », Arthur-« Fráech » reçoit aussi de lui la Puissance Vengeresse.
Avec Elcmár, s'il fallait aller par là, « Arthur »-Fráech est une forme de vengeur.
(Simili-Dieu dane [4] Víðarr, Dieu de la Vengeance, ouvrant sur Idavöll – ici, d'après le comparatisme, sur la Sublime Ère du Graal, mais c'est poussif 😁)

Or le vrai père d'Arthur dans sa légende, Uther Pendagron – littéralement « Tête de Dragon », – fait doublement écho à Boann et à Elcmár, puisque les rivières ont une dimension draconique à serpenter souterraines (Boann) et que les dragons sont aussi des figures de convoitise (Elcmár).

Mais il y a mieux encore : la vraie mère d'Arthur dans sa légende, Ygraine, suscite les ardeurs d'Uther Pendragon, alors qu'elle est déjà mariée.
Or, de qui Boann suscita-t-elle les ardeurs ?...
... du Dagda [11], Dieu-Druide, afin d'engendrer le lumineux Oengus Mac Óc ! 🌟

Mais cela fait-il d'Arthur un Oengus ?...
... Rien n'est moins sûr, après les références telluriques faites.
De plus, dans la légende arthurienne, Merlin – figure druidique – arrange le convolage en injustes noces, d'Uther et d'Ygraine.
C'est-à-dire qu'ici, nous aurions affaire à un syncrétisme, avec Arthur en frère obscur d'Oengus.

Ou bien, autrement : au substrat d'un mythe perdu...
... le mythe perdu du Dagda, offrant à Boann de convoler avec un autre amant, valeureux guerrier.
On songe, alors, évidemment, au Dieu guerrier Ogme – frère du Dagda ⚔️
Côté gallois, il faut voir Gwydion-Merlin-Dagda à l'œuvre matrimoniale aussi...
Enfin, quoi qu'il en soit : des syncrétismes.

Trois fois des syncrétismes 🤍

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CONCLUSION PROVISOIRE

Les arctophiles sont conviés d'arrêter de colporter leurs approximations.

L'ours est guerrier, non royal.
Voilà comment on cesse d'être un montreur d'ours, pour en monter.
Cela dit, je suis méchant avec les arctophiles : mon bonus le démontrera.

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BONUS : PUISSANCE DE L'OURSE MATRICIELLE, TRANSFORMÉE DANS LE MONDE POST-YAMNA [3] ET NOTAMMENT LA ROYAUTÉ CELTE

Où trouve-t-on une importance symbolique à l'ours ? 🐻
Chez nuls autres que chez les Basques et les Finno-Ougriens, dont ils font même descendre l'humanité.
L'ours y est un quasi-Basa Jaun, « Seigneur Sauvage » en basque, archétype du genre humain...
... encore que le Basa Jaun courre toujours !
Cette ascendance ursine, est asianique, pré-yamna [3] (pré-caucasienne et/ou caucasienne du Sud).

Dernier terme post-chrétien du continuum ibère [12], les Basques s'originent dans le domaine asianique, chamito-sémitique en Méditerranée.
Encore un exemple, s'il en fallait un, de la fraternité ibéro-celte, c'est-à-dire de l'influence proto-ibère sur les Celtes, entre les cultures post-yamna...
... (avec un îlot archaïque alpin, proche des Etrusques ; sans vouloir nuir à personne : ne parlait-on pas toujours récemment, de crétins des Alpes ? en référence à leur creuset et leur entre-soi conservatoire ?)

De même, on en retrouve un écho chez les Danes [4]...
... puisque, comme on l'a vu, dans la Saga d'Egill par exemple, les Ancêtres peuvent revêtir un aspect ursin : les Finno-Ougriens sont voisins !
Sans reparler, des guerriers et rois portant le nom de Björn ⚔️

L'explication des rois nommés « ours » en Prydain [1] ou chez les Danes (sur les verres des empereurs du Saint-Empire Romain Germanique, encore au XVe siècle du Crucifié)...
... vient de ce qui précède : de la force de l'ours évidemment, mais peut-être surtout, survivantes dans les contrées celtes et danes, d'archaïques échos pré- et péri-yamna [13]...
... en rapport avec la constellation de la Grande Ourse, Axe Polaire du monde ✨

Les rois, certes, sont traditionnellement les Axes de nos sociétés.
Mais observons que :

1. originairement, il s'agit bien plutôt d'une Grande Reine Axiale, pré-yamna...
... dont la prégnance ne trouva de vrai écho, dans le monde post-yamna, que chez les Celtes avec des Déesses ursines et des épiclèses à Lug[us] (encore que ça rendît fiers les Danes).
Au hasard, avec la filiation avunculaire et le nom du roi Arthur...
... quoi que l'ours ne soit pas post-yamna.
« Indo-européen », ce n'est pas la réponse à tout 😉

2. la racine *mat, en celte, signifie avant tout « bon, favorable » et a été attribuée à l'ours sans surprise.
Comme en reconnaissance pré- et péri-yamna intégrée 🤍
C'est que le roi, en cette nuit des temps, se devait d'être pourvoyeur avec son peuple comme une Grande Ourse avec ses petits, et donc chasseur, pour structurer...
... ce qui est venu, chez les Celtes, avant tout, se superposer à Nuada-Cernunnos-Cerf [2] en concurrence avec l'ours, depuis les origines steppiques des Yamnaya où dominent les cervidés.

Segodanios, tiré de Diuiciacos

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[0] Souveraineté féminine équine : suivre.
[1] Prydainique : de Grande Bretagne et d'Irlande.
[2] Nuada-Cernunnos : suivre.
[3] Post-yamna : « indo-européens ». Les Yamnaya ont ethnoculturellement imprégné l'Eurasie, de la péninsule archéo-européenne à la péninsule archéo-indienne, depuis les steppes archéo-caucasiennes ; les Pré-Yamnaya étaient des nomades néolithiques, dans la toundra archéo-sibérienne.
[4] Danes : les Anciens Danois sont le cœur historique archaïque, des cultures germano-scandinaves, et méritent qu'on utilise leur ethnonyme de manière générique, d'autant plus que l'Europe chrétienne nomma « Danes » les vikings.
[5] Les Celtes, globalement amateurs de loups ?... En fait, plutôt que le loup, ils privilégient le chien : mercenaire courageux et loyal qui ne réclame que sa pitance, pour se hiérarchiser sous l'autorité des chefs et plus encore des druides. C'est simple à comprendre.
[6] *Berôsarkiz : forme proto-germanique reconstituée de « berserkir ».
[7] Kaamelott : suivre.
[8] Ne pas amalgamer Celtes et Danes : cf. Une Brève Histoire druidique et Carnets de voyage « nordisant ».
[9] À propos de Dana : suivre.
[10] Mebd, Morrigan : suivre.
[11] En parlant du Dagda : suivre.
[12] Les Basques, dernier terme ibère : Antique Sud-Ouest : ligure, ibère, celte, punique, romain, vascon, goth
[13] Cf. « L'Ours, histoire d'un roi déchu » de Michel Pastoureau, qui en trouve des échos jusqu'en nos jours.
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Source de l'image : Reine des Neige, Chronique de Narnia, sur Pinterest.