Du Druidisme autoproclamé « orthodoxe »

31/05/2025

Le Druidisme autoproclamé « orthodoxe » est né de la louable mais relative érudition (comme toute érudition) du Druuis Auetos, sur la base de chercheurs comparatistes ou de prédécesseurs néo-druides tels que le Québécois Michel-Gérald Boutet, dit Boutios. De tels érudits néo-druidiques publics se comptaient sur les doigts d'une main mutilée, voilà un quart de siècle (à la charnière des années 1990-2000).

Auetos, qui es-tu ?

Le Druuis Auetos a été initié à la Comardiia Druuidiacta Aremorica du temps de sa fondation où elle était dirigée par Odaccos, puis à la Kredenn Geltiek Hollvedel dirigée par Gobannogenos.
La KGH est issue, depuis 1936 de la Goursez Beizh (Gorsedd de Bretagne constituée en 1900... mais socialement plus ancienne de près d'un siècle). Avec la KGH, la Gorsedd de Bretagne procède de la Gorsedd Cymru, Gorsedd de Galles disposant du meilleur héritage druidique dans la modernité grâce à Iolo Morganwg – qui n'est pas le faussaire qu'on l'a fait – sachant que la CDA était elle-même issue de la KGH, fondée parallèlement par Gobannogenos et Esunertos quelques décennies après la KGH.

Auetos est un pionnier du reconstructionnisme de la religion celtique entre les druides, et nous avons beaucoup de chance qu'il soit français. Dans le monde anglophone les choses sont plus compliquées [dans le monde anglosaxon, jusqu'à nouvel ordre, les druides ne sont pas reconstructionnistes celtiques, mais des communautés néo-celtiques qui ont renoncé à transformer le druidisme tricentenaire existent, tant ces druides modernes tiennent à persévérer dans leurs modernités] or Auetos a collaboré avec des druides italiens, espagnols et de notre région bretonne, jusqu'avec ceux de l'actuelle CDA.
Il est le fondateur de la Celtiacon Certocredaron Credima : Croyance Celtique Très-Certaine ou Orthodoxe, au Nemeton Reninna : "Sanctuaire de Ripelle" en Provence. Avec son forum Druuidiacto, doublé de tentatives fédératives (dont il parle à sa gloire) Auetos se fatigua (comme d'autres) face aux réactances plus ou moins bien druidiques qui l'environnèrent, raison pour laquelle – depuis sa propre réactance – il se focalisa sur son orthodoxisme.

Il se présente lui-même succinctement ici, où il explique :

Le mot orthodoxe, alors inexistant dans le monde néo-druidique et contrairement à ce pensent encore certains, ne fut pas choisi à la légère, bien au contraire. Ce mot là fut choisi car il exprimait à lui seul la voie juste mais ardue, que doit emprunter les tenants de notre croyance pour redorer le blason de la religion léguée par les Druides anciens ; la retirer des griffes des folkloristes, des romantiques, des zozotéristes et autres spirites.
Pour moi l'orthodoxie (mot venant du grec orthos 'Ορθος', « droit » ou « juste » et doxa 'δόξα' « croyance ») dont le sens littéral est « la pensée droite » et plus largement « ce qui est conforme à », « respectueux de la tradition », fait donc référence en une « croyance juste », désignant ceux qui s'efforcent de rester fidèles à la foi et à la tradition des Druides anciens, aussi bien dans la parole (ortholimie) que dans le geste (orthopraxie).
L'orthodoxie est une doctrine érigée en « norme de la vérité », c'est-à-dire que rien ne doit être inventé mais recherché, comparé et ajusté. Voilà pourquoi, pour bien montrer le sens de ma pratique, j'ai choisi d'accoler le mot Certocredaron (« orthodoxe ») à celui de Celtiacon Credima (« croyance celtique »).

On pourrait ajouter que, chez René Guénon, l'orthodoxie est la concordance avec la Sagesse Eternelle...

Néanmoins, comme toujours, les choses se discutent – pourvu qu'elles soient discutées par des gens habiles et connaisseurs de bonne volonté, qui ne s'adonnent pas à la critique par rebellion mais par coopération, dans le respect de ladite Sagesse. D'ailleurs, nos Ancêtres valorisaient le pluralisme théologique, et René Guénon lui-même parle de plusieurs voies sans contradiction avec cette Sagesse.

Alors, parmi les gens habiles et connaisseurs de bonne volonté, il y en a pour estimer qu'Auetos calque un peu trop les textes hindous. Et pourtant, il ne nous reste rien de si évident, pour bien écrire le celtisme antique : la démarche d'Auetos est structurante. De tels décalques sérieux, surtout quand ils sont fondés sur le calendrier de Coligny pour leurs datations rituelles, sont précieux. Sans parler du reconstructionnisme de la langue gauloise. On est positivement à l'opposé, de ce que peu faire le tout-venant post-celtique, pétri de wiccanisme éclectique.

Le « Druidisme orthodoxe » : un druidisme « auetien »

C'est pourtant à ce stade qu'il faut rester vigilant. Comme tout homme d'âge bien mûr doublé d'un religieux, les rigueurs de la maturité peuvent induire des présomptions [on songe par exemple, au Druide autoproclamé Du Pays de l'Ours, bien moins érudit néanmoins quant à lui] surtout quand, comme Auetos, on convoque le stoïcisme hellénique et qu'on n'a pas peur des mots (après orthodoxe, jusqu'à celui de dogme, élément de croyance en hellénique).

Mais on l'a déjà entendu parler de druidisme « auetien ».

Certes, en toute probité, toute démarche néo-druidique dépend de son démarcheur. Et d'ailleurs, ceci est vrai de toute religiosité, de toute piété, de toute sagesse, de toute philosophie : nous nous les faisons tous à notre rythme !... Or le rythme d'Auetos témoigne de bravoure intellectuelle.

Reste qu'entendre quelqu'un, adjectiver lui-même son (sur)nom (initiatique) invite à la prudence devant sa présomption, car en tout bien tout honneur ce sont les autres qui adjectivent votre nom, s'ils le jugent suffisamment valable. Joint à l'idée d'orthodoxie telle qu'Auetos l'a définie, même si les racines sont respectées, soudain les notions de droiture, de justesse, de conformité, de certitude, de norme, etc. tournent au dédain... surtout quand le folklore des contrées celtophones est renié, pourtant seules culturellement celtes dans la modernité.

Le dédain : un sentiment dont les Anciens faisaient reproche aux stoïciens. Car ce Druidisme dédaigne en effet certains autres Druidismes sans raison valable, du fait qu'il s'est forgé dans un long combat existentiel contre les fadaises et les errances. Emblématiquement : les mégalithes ne sont pas celtes, mais les Celtes exploitèrent parfois les mégalithes malgré tout ; le dédain d'Auetos n'y pourra rien. Finalement, le druidisme « auetien » s'est de lui-même rendu inadapté sur un certain nombre de points.

Son exemple nous invite à réfléchir. Bien qu'honorable, il navre aussi l'Ancienne Voie qu'il présume assurer. Tout le monde a ses limites, on ne lui en tient pas grief. Comme dit l'expression : « Cela arrive même aux meilleurs ».

Segodanios