Les Reconstructionnistes, mais aussi bien les non-druidisants érudits, quand ils sont prétentieux devant le druidisme

01/06/2024

Eut égard aux groupes reconstructionnistes, il y a parfois un radicalisme impatient devant le druidisme - quand ce druidisme s'en tient à des fadaises, quitte à ce que le druidisme reconstructionniste se prenne des balles perdues, hélas.
Le radicalisme, comme son nom l'indique, est radical.
Sûrement, parfois, aussi, certainement : dédaigneux.
Dédain plus ou moins justifié en synchronie comparative (comparaisons à l'instant T) quand on superpose les calques des groupements, avec les calques des savoirs méthodiques.
Mais il y a la diachronie (l'évolution des temps).
D'abord, le druidisme émerge à l'âge classique, après la Renaissance des humanités gréco-romaines dans le christianisme.
On n'est pas encore à l'historiologie de Camille Jullian (1), mais on ravive les druides au prisme de ces humanités, avec les défauts de son temps (2).
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Le radicalisme devant le druidisme, est de ne pas (vouloir) comprendre et malverser/dénier/dédaigner cette racine.
Car, combien de temps fallut-il aux sociétés occidentales, pour atteindre leur degré d'exigence épistémique actuel ?
Pour le tout-public, on peut dire que ça date du covid et de la cacophonie biomédicale dont il fit l'objet - pour un résultat particulièrement médiocre, voire nul, en dehors de la mode du "fact-checking" qui vaut ce qu'elle vaut.
Il a fallu attendre ces dernières années, pour voir une thèse sur le druidisme breton, telle que celle de Grégory Moigne apparaître.
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Comparons au domaine germano-scandinave.
Dans les années 90, où en étaient, par exemple, les groupes nordisants ? Largement à l'odinisme politique, et quand on évoquait la figure du Nordique, c'est immanquablement à un terroriste suédois isolé d'extrême-droite que l'on pensait (3).
Le nordisme modéré n'a pignon sur rue que depuis l'an 2000, comme le reste, assez logiquement depuis l'avènement des réseaux : c'est leur bienfait.
De même pour le druidisme, sinon que le druidisme n'a pas la stigmate politique du nordisme, et qu'il évolua folkloriquement dans les mondes celtophones actuels, avant de s'épanouir ailleurs (aux USA, notamment) exactement comme le nordisme de tous les bords politiques.
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Ainsi, nous n'en sommes, aujourd'hui, qu'aux prémices du renouveau, et il faudrait être radical contre le druidisme ?
L'improbité, malgré sa raisonnabilité, est grande - et irrationnelle.
Sans doute, il est bon d'humilier et de conspuer ceux qui, dans le druidisme, osent toujours s'appeler "druides" dans ces conditions, mais c'est aussi grâce à cela que des groupes druidiques comme la CCC (Celtiacon Certocredaron Credima) et la CDA (Comardiia Druuidiacta Aremorica) émergent, reconstructionnistes, capables d'échanger honorablement avec la Gorsedd de Bretagne.
Et ce n'est que le début, puisque le reconstructionnisme fait son chemin.
Mais d'adopter la posture sociologique, d'un fruit épistémique de cette époque, largement diplômé, universitaire, voire urbain d'esprit en conséquence (4) c'est, selon le dicton, "l'hopital qui se moque de la charité".
Du radicalisme, toujours.
D'autant plus que les triades bardiques conspuées pour l'oeuvre d'un faussaire, ont été élaborées dans un contexte sincère, mettant en oeuvre un druidisme fatalement moins renseigné qu'aujourd'hui.
D'ailleurs, les triades bardiques sont relativement réhabilitées, il faut s'y pencher (5).
Mais cette posture sociologique, inconsciente normalement, fait que des formés érudits ont une hostilité de classe envers le druidisme, d'autant plus quand on observe sa propre sociologie de classe - au druidisme - entre ruralité (sans néoruralité), régionalisme (y compris breton) et tout-venant environnementaliste (surtout quand son écologie n'est que d'urbanité irréaliste) sans parler des New Agers et des nationalistes, qui sont fourre-tout, et font passer les gens sincères, même maladroites dans leurs démarches, pour des piètres.
Il y a naturellement, aussi, le sectarisme autorisé des USA, mais qui est, répétons-le, un problème pour tous les polythéismes.
Dans un autre genre culturaliste, il y a Panoramix.
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Et il y a un élément fondamental, particulièrement révoltant devant le radicalisme de certains reconstructionnistes anti-druidistes, d'autant plus que c'est incohérent avec leur orientation orthopraxique (qui ne juge pas la conscience, mais la manière).
Car nous ne sommes pas dans les consciences des druidistes (regroupant pêle-mêle : les druides modernes affiliés à la tradition tricentenaire, les pseudo-druides autoproclamés, et les amateurs celtisants).
L'embrayeur celtique est largement diffusé, d'autant plus avec le succès médiatique du folklore breton, ce qui ne saurait déplaire à personne, puisque la réémergence du druidisme a sa forme de tradition, depuis le monde celtophone contemporain ou ce qu'il en reste.
Que l'orthopraxie manque, c'est évident.
Mais que l'élévation spirituelle soit absente, c'est quelque chose qu'il serait radical, et même ignominieux, de répéter, d'autant plus quand on pratique le comparatisme indo-européen avec les brahmanes.
Il y a une quête d'illumination, certes publiquement silencieuse, parce que le public ne comprend de toutes façons pas.
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L'anti-autoritarisme vulgaire, est aussi un facteur trouble, puisqu'il oblige les druides à louvoyer avec leurs contemporains, louvoiement qui n'est pas un défaut, au contraire.
Ce n'est pas un autre polythéiste qui le reprochera, d'ailleurs (6).
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En définitive, tout ce qu'il est de dire, c'est que, de nos jours, "tout conspire".
A l'heure actuelle, il devient honteux, toujours plus honteux, pour un druide moderne, de n'avoir pas lu les textes connus.
Ce n'est qu'un début (7).
Or, à ce titre, répéter les diagnostics sur certains états de faits pour cingler et, pire, dans une démarche concurrente compter doubler le druidisme sans le réorienter, est intrinsèquement belliqueux.
Cela fait partie de l'état de fait.
Héraclite disait que la Guerre est Mère du Devenir. Or la belligérance n'est pas dénuée d'intérêt, quand on prend de la hauteur ("tout conspire").
Mais, comme disait Hegel - et même la France : "thèse, antithèse, synthèse".
Le radicalisme empêche juste de l'admettre.
Patience.


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(1) C'est-à-dire à une historiologie dont découle la mentalité IIIème République et Astérix.
(2) On croyait encore que le monde avait bibliquement 4-5 mille ans, du moins en public, et l'on pouvait bien encore croire, selon le Lebor Gabala Erenn, Livre des Conquêtes d'Irlande que les Gaëls descendent de Noé, en l'absence de méthodes de recherche, que les Camille Jullian élaboreraient.
(3) Avec le terrorisme anarchiste d'extrême-gauche d'Unabomber, les deux faisaient la paire.
(4) J'allais dire, avec le géographe Christophe Guilluy : métropolisé, citadellisé.
(5) Lire Philippe Jouët, aux éditons Label LN : Triades, bardes et druides dans l'histoire et l'imaginaire - études sur le renouveau celtique du XVe au XVIIIe siècle
(6) Quand, évidemment, il n'est qu'au service de la défense spirituelle.
(7) Et que dire du développement du druidisme, dans le monde francophone, lui qui s'identifia historiquement aux Gréco-Romains ? On ne peut pas tout à fait reprocher sans scrupule, même à un universitaire qui devrait certes être scrupuleux, aux Francophones de mal maîtriser les langues celtiques contemporaines... en dehors des Bretons.

Segodanios, tiré de Diuiciacos