Les Auteurs antiques qui parlent des Celtes

03/04/2025

L'étude des auteurs anciens est d'un intérêt majeur pour le Druidisme reconstructionniste, car elle permet d'enraciner la reconstruction spirituelle, philosophique et rituelle dans des sources relativement authentiques, tout en nourrissant une réflexion critique et contemporaine.

ACCÈS AUX TRACES LES PLUS ANCIENNES DE LA PENSÉE CELTIQUE

Les auteurs anciens – qu'il s'agisse de Grecs (comme Posidonios) ou de Romains (comme César, Strabon, Pline ou Lucain) – constituent les rares témoins directs ou indirects du druidisme originel. Bien que biaisés par leur regard extérieur, parfois ouvertement hostile, ces écrits offrent des éléments précieux sur :

-les fonctions des druides (juges, philosophes, enseignants, prêtres),

- les croyances (immortalité de l'âme, culte naturel, sacrifice),

-l'organisation sociale et spirituelle des Celtes.

UNE BASE POUR RECONSTRUIRE UN CORPUS COHÉRENT

Une approche reconstructionniste ne consiste pas à singer de manière maniaque, pointilleuse et superficielle un druidisme ancien figé , au demeurant plus ou moins fantasmé, mais de faire vivre un druidisme contemporain inspiré et véritablement issu du passé, certes, en en respectant les formes le plus fidèlement possible, mais, surtout, en retrouvant et en comprenant la cause et l'esprit. Les textes anciens permettent d'établir :

-des analogies culturelles et symboliques (par exemple, la triade comme structure de pensée),

-des pistes rituelles ou éthiques,

-des correspondances entre la vision cosmique des Celtes et d'autres traditions indo-européennes.

L'étude critique des sources permet d'éviter les dérives new âge ou pseudo-celtiques. Le Druidisme reconstructionniste cherche la rigueur historique autant que l'inspiration spirituelle. Cela suppose :

-de croiser les sources antiques avec les recherches archéologiques et linguistiques,

-de distinguer entre faits historiques et projections modernes,

-de construire une spiritualité enracinée, mais vivante.

RETROUVER UNE SAGESSE ET UNE PHILOSOPHIE ANTIQUES

Certains auteurs décrivent les druides comme philosophes comparables aux Pythagoriciens ou aux Stoïciens. Cela ouvre la voie à une réappropriation philosophique du druidisme :

-respect du vivant,

-quête de l'harmonie entre les mondes,

-transmission orale, mémoire vive et méditation.

CULTIVER UNE MÉMOIRE COLLECTIVE

S'ancrer dans les auteurs anciens, c'est aussi refuser l'amnésie culturelle. Le Druidisme reconstructionniste se nourrit de la mémoire d'un peuple et trouve dans ces textes les échos d'une tradition longtemps occultée.

Étudier ces auteurs est essentiel , voyons donc les principaux auteurs antiques qui ont évoqué les druides et, plus largement, les Celtes. Leurs écrits sont essentiels pour toute démarche reconstructionniste dans le druidisme, même s'ils doivent être abordés avec discernement.

Poétique et lyrique, mais très influent dans l'imaginaire druidique, bien qu'ouvertement hostile.

-Décrit la répression des druides dans l'île de Bretagne par les Romains (massacre à Mona/Englesey).

-Mentionne des traditions locales persistantes.

Contexte de la disparition publique du druidisme.

JULES CÉSAR

Œuvre : La Guerre des Gaules (Commentarii de Bello Gallico)

Apport :

-Source la plus détaillée sur les druides de Gaule.

-Présente les druides comme responsables du culte, des sacrifices, de l'enseignement et de la justice.

-Parle de l'immortalité de l'âme et des écoles druidiques.

Attention : Texte à visée politique et militaire : César justifie son intervention en Gaule.

STRABON

Œuvre : Géographie

Apport :

-Fait une distinction entre druides, bardes et vates.

-Décrit les druides comme philosophes et théologiens.

-Évoque leur rôle social et moral dans la société gauloise.

Vision grecque, influencée par la pensée hellénistique.

DIODORE DE SICILE

Œuvre : Bibliothèque historique

Apport :

-Fait un parallèle entre les druides et les philosophes grecs.

-Rassemble diverses traditions celtiques et mythes.

-Met l'accent sur les bardes comme poètes sacrés.

Compilation, souvent issue de sources secondaires.

LUCAIN

Œuvre : La Pharsale (Pharsalia)

Apport :

-Décrit les druides comme mystiques retirés dans les forêts.

-Parle de leur lien avec le monde invisible et de leur savoir ancien.

-Rôle religieux et initiatique très marqué.

Poétique et lyrique, mais très influent dans l'imaginaire druidique, bien qu'ouvertement hostile.

PLINE L'ANCIEN

Œuvre : Histoire naturelle

Apport :

-Témoignage sur les pratiques magico-religieuses : cueillette du gui, chênes sacrés.

-Évoque les druides comme une caste religieuse gauloise.

-Présente certaines pratiques comme étranges ou exotiques.

Regard naturaliste, parfois teinté d'ironie ou d'exagération.

AMMIEN MARCELLIN

Œuvre : Res Gestae

Apport :

-Mentionne encore la présence d'intellectuels celtes tardivement.

-Témoigne de la persistance de savoirs religieux ou philosophiques.

Tardif, mais précieux pour l'évolution du druidisme à l'époque impériale.

DIOGÈNE LAËRCE

Œuvre : Vies et doctrines des philosophes illustres

Apport :

-Classe les druides parmi les philosophes barbares, aux côtés des mages perses et des gymnosophistes indiens.

-Souligne leur sagesse.

Regard comparatif, utile pour penser le druidisme comme voie philosophique.

POSIDONIOS D'APAMÉE (vers 135 – 51 av. J.-C.)

Œuvre : perdue, mais citée par Strabon, Diodore, Athénée, etc.

Apport :

-Philosophe stoïcien ayant voyagé en Gaule.

-Source majeure derrière les écrits de Strabon et Diodore.

-Décrit les druides comme philosophes, astronomes, enseignants.

Très influent, bien que ses écrits directs soient perdus.

TIMAGÈNE D'ALEXANDRIE (Ier siècle av. J.-C.)

Œuvre : perdue, mais utilisée par Ammien Marcellin et d'autres

Apport :

-Relate l'origine des Celtes et leur migration depuis l'Est.

-Apporte des éléments sur les coutumes et les structures sociales.

Utile pour replacer les druides dans une histoire plus large.

ATHÉNÉE DE NAUCRATIS (vers 200 ap. J.-C.)

Œuvre : Le Banquet des Sophistes

Apport :

-Cite Posidonios.

-Parle brièvement de la musique et du rôle des bardes.

-Témoigne d'une culture orale structurée.

Intéressant pour la tradition poétique et festive.

TACITE (vers 56 – 120 ap. J.-C.)

Œuvre : Annales

Apport :

-Décrit la répression des druides au Pays de Galles par les Romains (massacre à Mona/Anglesey).

-Montre leur résistance spirituelle et politique.

Important pour l'histoire de la persécution des druides.

POMPONIUS MELA (Ier siècle ap. J.-C.)

Œuvre : De Chorographia

Apport :

-Décrit les druides comme « enseignants des choses divines ».

-Parle de leur autorité morale et religieuse.

Court, mais confirme d'autres témoignages.

SUÉTONE (vers 70 – 122 ap. J.-C.)

Œuvre : Vie des Douze Césars

Apport :

-Fait allusion à la crainte qu'inspiraient les druides à certains empereurs.

-Évoque des interdictions impériales visant les pratiques druidiques.

Montre la portée politique du druidisme.

HIPPOLYTE DE ROME (IIIe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Réfutation de toutes les hérésies

Apport :

-Classe les druides parmi les sages païens.

-Référence chrétienne, mais reconnaît leur profondeur doctrinale.

Permet de suivre l'évolution de la perception chrétienne du druidisme.

CLÉMENT D'ALEXANDRIE (IIe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Les Stromates

Apport :

-Compare les druides aux philosophes et sages de l'Orient.

-Témoigne de leur réputation intellectuelle.

Témoignage chrétien ancien, influencé par l'hellénisme.

ISODORE DE SÉVILLE (vers 560 – 636)

Œuvre : Étymologies

Apport :

-Bien que post-antique, il compile des savoirs gréco-romains et chrétiens.

-Mentionne les druides comme philosophes et devins des anciens Gaulois.

-Témoigne d'une mémoire encore vivante au haut Moyen Âge.

Pont entre Antiquité tardive et pensée médiévale.

PHILOSTRATE D'ATHÈNES (IIe–IIIe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Vie d'Apollonios de Tyane

Apport :

-Mentionne brièvement les druides dans un contexte mystique et philosophique.

-Les rapproche des sages orientaux et des mages.

-Témoigne d'une vision "ésotérisée" des druides dans l'Antiquité tardive.

SIDOINE APOLLINAIRE (Ve siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Lettres, Poèmes

Apport :

-Chrétien gallo-romain, il évoque encore les "chants druidiques".

-Montre que certaines pratiques ou mémoires celtiques persistent dans la culture orale.

JORDANÈS (VIe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Histoire des Goths

Apport :

-N'évoque pas directement les druides, mais contribue à la cartographie ethnographique des peuples d'Europe.

-Peut être mobilisé en analyse comparative avec d'autres traditions pré-chrétiennes.

SERVIUS (IVe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Commentaires sur Virgile

Apport :

-Interprète les textes virgilien en les reliant à des cultes anciens.

-Mentionne les prêtres gaulois dans certains passages liés à la forêt sacrée, au gui, etc.

Utilisable en lecture symbolique et comparative.

VARRON (Marcus Terentius Varro) (116 – 27 av. J.-C.)

Œuvre : De lingua Latina, Antiquitates rerum humanarum et divinarum (perdue)

Apport :

-Ne parle pas directement des druides, mais ses réflexions sur les religions des peuples "étrangers" (barbari) ont influencé des auteurs comme Augustin.

-Classifie les formes de religion (mythique, naturelle, civile), ce qui peut inspirer une lecture philosophique du rôle druidique dans la société.

Référence indirecte mais utile pour articuler spiritualité et civisme.

ORIGÈNE (v. 185 – 253 ap. J.-C.)

Œuvre : Contre Celse

Apport :

-Celse, qu'il réfute, évoque dans son propre traité (perdu) l'idée que les druides faisaient partie des sages de l'humanité.

-Origène, bien que chrétien, conserve ce témoignage dans sa critique.

Voix indirecte de la reconnaissance antique du druidisme comme voie sapientielle.

FESTUS (Sextus Pompeius Festus) (IIe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : De verborum significatu

Apport :

-Lexicographe latin. Il commente certains termes liés aux rites et traditions anciennes.

-Évoque des pratiques cultuelles qui pourraient être comparées à des traditions celtiques.

Source philologique et lexicale.

CASSIODORE (vers 485 – 580)

Œuvre : Institutiones, Variae

Apport :

-Comme Isidore de Séville, il compile des savoirs anciens et chrétiens.

-Son œuvre montre la transmission indirecte d'éléments païens dans les écoles chrétiennes.

-Aide à comprendre comment la mémoire du druidisme a été intégrée ou effacée.

EUMÈNE (IVe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Panégyriques latins

Apport :

-Fait allusion à la "conversion" des provinces païennes, y compris la Gaule.

-Mentionne des traditions locales persistantes.

Contexte de la disparition publique du druidisme.

LACTANCE (IIIe–IVe siècle ap. J.-C.)

Œuvre : Institutions divines

Apport :

-Théologien chrétien, critique les religions païennes.

-Évoque certains rites gaulois avec mépris, mais involontairement révélateur de leur persistance.

Exemple de dénigrement révélateur.

Nous arrivons ici aux limites du corpus antique exploitable : après cela, il faut se tourner vers :

- Les sources hagiographiques chrétiennes (Vita de saint Patrick, de Colomban, etc.), où des échos du druidisme survivent sous forme de confrontation aux anciens cultes ;

- Les mythes et textes médiévaux irlandais et gallois (le Mabinogion, les Annales des quatre maîtres, etc.) ;

- Les données archéologiques (notamment inscriptions, objets rituels, statues, sanctuaires) qui complètent l'approche textuelle.

CONCLUSION

L'étude des auteurs antiques est une clé précieuse pour accéder à l'univers spirituel, symbolique et social des anciens Celtes, dont la tradition fut essentiellement orale et dont la transmission fut brutalement interrompue par la conquête romaine, puis par la christianisation ( même si il existe de nombreuses traces de survivances , parfois très tardives.). Ces textes sont parfois lacunaires, souvent teintés de préjugés gréco-romains ou de visées politiques, mais ils constituent des témoignages directs – bien qu' extérieurs – sur les druides historiques.

Pour les Druides reconstructionnistes, ces sources offrent un socle de réflexion rigoureuse : elles permettent de distinguer les éléments historiques des réinventions modernes, d'ancrer les pratiques dans des fondements authentiques, et de nourrir une spiritualité enracinée, mais vivante. Comprendre le rôle du druide comme philosophe, prêtre, enseignant, conseiller, gardien du sacré et de la mémoire collective, ne peut se faire sans confrontation à ces écrits anciens.

Pour le grand public, cette étude est l'occasion de découvrir une religion complexe, structurée et profondément respectueuse du vivant, souvent bien plus nuancée que les clichés folkloriques ou romantiques véhiculés au fil des siècles. Elle permet aussi de comprendre comment les cultures celtiques ont contribué à la diversité spirituelle et philosophique de l'Europe ancienne, et comment elles résonnent encore aujourd'hui dans des courants néodruidiques, écospirituels ou philosophiques contemporains.

Enfin, en redonnant leur voix aux témoignages antiques, nous participons à une forme de réhabilitation mémorielle : celle d'une tradition ensevelie, mais non disparue, qui continue d'inspirer, de questionner, et d'éveiller les consciences.

Belenigenos ac Uindocaruos, tiré de la Religion des Celtes