Taranis, le Dieu triple (?)

Quoi ?! Un Dieu triple ??
N'avait-on
pas déjà... une Déesse triple ???
Et inventer un Dieu triple,
n'est-ce pas antiféministe ?!
Ne faut-il pas faire de Morrigan [0] une exclusivité ?!?
Pourtant...
... pourtant, la
plausibilité d'un tel Dieu, vient justement de ce qu'il est
potentiel père de la Triple Déesse, Morrigan.
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UNE
LECTURE À TRIPLE FOND
Un des hauts rois d'Irlande, partie des Tuatha dé Danann (des Dieux) se nomme Delbáeth : « Celui à la forme éclatante, la Figure de feu ».
Dans le Lebor
Gabála Érenn, il succède à son grand-père le Dagda, à la
royauté.
Son autre nom est Tuireann, « le
Tonnant ».
Oui, Taranis en Gaule.
Delbáeth-Tuireann
a deux fois trois enfants :
Les frères Uair (plus connu sous le
nom de Brian), Iuchar, Iucharba –
« le Haut », « le
Jeune » et « le Second Jeune ».
Les sœurs
Banba, Fódla, Ériu - « la Femme », « la Fertile »
et encore « la Fertile » (Ériu, nom de l'Irlande-même).
Or donc, on
lui donne aussi la Morrigan pour fille, Déesse Triple.
Autant
vous dire qu'il est cerné par les triplicités !
(Et que ce roi
est gâté par la Vie.)
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CHEZ LES ROMAINS ET LES
DANES AUTOUR DES CELTES
Chez Lucain, un auteur romain, ce Dieu
(Taranis) est mentionné avec Teutates et Esus.
Chez Pline, seuls
Teutates et Esus sont mentionnés ensemble, mais c'est un bon début.
Car on a Þórr,
chez les Danes [1]...
... or Þórr cumule les fonctions de
Taranis, Teutates et Esus.
En effet, Þórr est Foudre
(Taranis)
Protecteur du peuple (c'est le sens de Teutates, « Père
du Clan »)
et Pourvoyeur (c'est un sens potentiel d'Esus,
« Le Bon », comparé à Sylvanus par les Romains, Dieu civilisateur entre
nature et culture).
Avec
toutes les triplicités autour de Delbáeth-Tuireann
(trois fils,
trois filles, une fille exceptionnellement triple)
il ne serait pas
étonnant de trouver que leur père est lui-même triple, chez les
Gaulois ⚡️⚡️⚡️
Car on a une triple fonctionnalité :
La Sacralité tonnante,
La Défense du peuple,
et le Pourvoi producteur.
Comme une figure synthétique, structurante,
essentielle :
un « triplex deus » dont chaque
aspect répond aux anciens besoins des sociétés indo-européennes,
et dont les incarnations divergentes dans le monde romain, germanique
ou celtique ne sont que les facettes d'une même
puissance originelle.
(Nulle autre que l'ancien Dieu *Dyeus indo-européen, Père lumineux –
– dans d'autres traditions, Perkunas, Perun, Parjanya.)
Cette puissance accède à la royauté, dans le Lebor.
Or chez les Celtes : être roi, c'est
d'abord faire le tour.
Tour du territoire, tour du sacré, tour du
monde connu, poseur de frontière (Esus-Sylvanus).
Circumambulatio, comme disaient les
Romains initiés aux mystères.
Sur les inscriptions, Taranis est Dieu du feu sacré, Dieu du cercle, Dieu de la roue 🟠
(Presque une procession
divine.)
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ARCHAÏQUE MARS-JUPITER
Mais voilà
que ce tour nous ramène à Mars [2].
Non pas Mars le belliqueux
réduit à l'iconographie impériale ;
Mais un Mars
archaïque.
Avant d'être casqué et cuirassé, Mars domine le printemps, le passage, la fertilité guerrière.
Dans la Roma
quadrata des origines, Mars veillait sur l'ager (agricole), les frontières, les travaux.
Divinité souveraine.
Non pas Jupiter, mais son frère.
Son
double terrien.
Le garant de la Pax Deorum (Paix des Dieux) sur le sol natal.
Et parfois plus.
Parfois le Dieu
suprême, dans le ciel celtique.
Valéry
Raydon dit de Taranis, Jupiter gaulois, qu'il n'est pas
simplement le Ciel qui Tonne, mais qu'il est la souveraineté céleste
accomplie.
Majesté cosmique ?
On
songe à Þórr, dont le char gronde à travers les nuages.
À Teutates, bien sûr, le populaire — celui qui parle au peuple et veille sur ses moissons, ses travaux, son offrande.
À
Esus, avec sa hache tranchante et son arbre abattu – silvain
arraché à la forêt, pour devenir l'allié des frontières
cultivées.
Tout converge.
Ce qui peut rendre fou, c'est que le Dieu triple celte finit par ressembler
plus à un Mars archaïque, dans son extension fonctionnelle, qu'à
un seul Jupiter.
Mais l'interpretatio romana ne serait pas à une approximation près.
Ce Mars est un Jupiter archaïque,
Jupiter souverain, Jupiter Lapis, Jupiter ordonnateur des
pactes.
Bref : le Jupiter primitif.
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UN DIEU
CELTE
Sa spécificité celte reste la démultiplication par
trois.
Et peut-être son détrônement [3].
Ou plutôt, son trône
temporaire, ou moins important que – au hasard – l'Habileté et
la Révolte de Lug[us], ou encore le Service et la Sapience du
Dagda/Sucellos...
... et avant tout, la Reconnaissance et la
Vaillance de Nuada/Cernunnos [4].
C'est le signe d'une
translation culturelle, d'un Devenir-Autre :
Admirateur des Savoirs, des Arts & Métiers, au point d'élever les
très-connaisseurs aux fonctions suprêmes : les Druides.
La grandeur celte valorise d'autres qualités que la Puissance brute.
Segodanios, pour Diuiciacos
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[0] Morrigan, la Déesse
triple : suivre.
[1]
Danes : les Germano-Scandinaves, désignés depuis leur contrée
matrice des Anciens Danois, ainsi que par un nom féodal des vikings,
assimilés aux Danois.
[2] Aspects religieux de la Rome archaïque comparables aux Celtes, âge d'or saturnien des Romains.
[3] Et si le mythe celte était romain (façon de parler) ?
[4] Nuada/Cernunnos : suivre.
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Source de l'image : coucher de soleil orageux